L’éternel est-il Algérien ou inhumain ?

 

Le 2 et 3 Juillet passés, j’étais dans le petit village Seddouk Ouffela lieu de naissance du Saint Cheikh Al Haddad dans la région de Bejaia. Au mausolée de Cheikh Al Haddad, j’ai entendu les vieux d’hier dire les uns aux autres : Ils ne nous connaissent que s’ils ont besoin de nous. Ah bien sûr, quand il fallait les cacher, pendant la révolution, les nourrir, ils savaient nous trouver. Ils se regardent ; personne n’est sûr de garder le rang qu’il occupe. J’ai aussi entendu les vieux de demain dire aux vieux d’aujourd’hui : tout de même vous avez fait votre devoir, vous méritez tout respect et nous reconnaissons votre bravoure. Rappelez-nous, s’il vous plait le devoir de nos fils. Ces paroles m’ont clouée le désespoir dans mon cœur. J’ai entendu une fois de plus les jeunes d’hier dire : regardez les- ces jeunes d’aujourd’hui des qu’ils peuvent ils ne pensent qu’a repartir. Repartir …vers la mer …. Nos jeunes pensent que l’espérance du bonheur est rêve en Algérie. Le luxe des rêves perturbe le sommeil des dirigeants. Le miel du pouvoir est amer. 
 A défaut de repère, au-delà de la mer, jeunes et moins jeunes cherchent leurs repères. Ils ont le regret de ne pas être nés ailleurs ! D’où vient cette idée étrange ? D’où vient cette idée de fuir le pays ? Corps et âme détaches ! Corps en Algérie et âme ailleurs. Perdu dans le flou et l’improvisation, ils essayent de choisir entre rester dans un ici incertain ou de s’évader vers un ailleurs peu probable ! Ces paroles m’ont touché au cœur. A vrai dire je ne suis pas de ceux qui critiquent mais je suis de ceux qui constatent. J’ai été a l’école et j’ai bien appris la leçon du jeune dans les vers de Corneille : Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées La valeur n’attend point le nombre des années. Les jeunes algériens si brillants ailleurs s’éteignent dans l’obscurité chez eux. Pour ne pas obscurantisme. La glace politique (pour ne pas dire classe) pense que Corneille est encore algérien comme eux sont encore français. D’un bout de l’Algérie a l’autre le mécontentement est général. Toutes les discussions finissent par cette question : qui peut prévoir ce qui se passera d’ici a trois ans ? Les visionnaires en Algérie n’occupent plus le terrain .
A entendre cette phrase, tout s’est effondré, tout ce qui a soutenu ma longue carrière d’éducateur a l’université : patrie et démocratie solidement unies dans mon cœur, progrès, science, technologie tout cet idéal sincère que j’avais servi de mon mieux. J’évoque aujourd’hui les heures lourdes où le désespoir règne partout dans ma chère patrie. Je sens le dégoût et le désarroi qui rongent les esprits de nos adolescents. La mauvaise foi se développe et comme chaque année nous en suivons son progrès avec un sentiment de peur sans limite concernant le devenir et l’avenir de nos enfants.
Nous pouvons plus retrouver nos points de repères habituels : sagesse, honnêteté, dignité, intégrité, justice, franchise et honneur. Je me rappelle comme c’était hier : ces repères étaient bien algériens.
Entre le mal et le bien nos cœurs se déchirent, entre le bon et le mauvais nos âmes s’égarent. Nos yeux n’ont plus le pouvoir de distinguer le grain de l’ivraie. Le médiocre trouve sa place dans un système sclérosé par la corruption. La compétence se cherche une vie meilleure dans un monde ailleurs. Dans le vide où notre esprit se cherche, d’autres repères se sont installés : argent, pouvoir, despotisme, absolutisme, délinquance, égoïsme, mal, mensonges, déshonneur, drogue et lâcheté. Ces repères étaient peut être chez nos voisins mais pas chez nous. Le rythme lent de la loi et la mal formation du citoyen renouvellent chaque jour des positions chimériques des soit disant « nouveaux repères ». Les qualités nobles et les valeurs humaines glissent dans un monde
malsain et malin où les affaires et les intérêts imposent politiquement leurs frontières. Dis moi combien tu possèdes je te dirai qui tu es !
Au-delà des limites morales des poches se remplissent trop vite et des âmes se vident de toute qualité humaine. Le cynisme frise l’impudence. Une atmosphère lourde de suspicion, de silence, de colères sauvages, de haine couvre notre pays : Que cela finisse vite et Dieu nous protège !

Il ne faut pas oublier que les ingénieurs du chaos plaident hypocritement dans les colonnes des journaux a grands tirage un enseignement de qualité et de valeur alors que la vérité est un enseignement axe sur le mensonge. C’est ainsi qu’un musicien charlatan (de Tlemcen) se substitue aux chercheurs algériens et découvre sans aller a l’université un type de fil chirurgical pendant la décennie noire. Cette découverte grandiose fut annoncée a la Télévision Algérienne de l’époque. C’est certainement avec ces méthodes d’information qu’on avait empoisonné ce peuple. C’est avec cette mécanique a sens unique que la télévision du tout va bien Sid El Hadj nous versait a chaque journal d’information l’abominable breuvage qui nous fait délirer. 
Hélas les pauvres cerveaux de nos enfants sont abêtis de servage moral ( pour ne pas dire esclavage) et de misère intellectuelle ( pour ne pas dire ignorance ). Ils sont la proie facile de faussaires, des menteurs et des exploiteurs de la crédulité publique. Cela suffit pour expliquer la somnolence de la conscience de nos jeunes citoyens et le néant culturel ou sommeille l’intelligence de nos enfants nés après 1988. La majorité de ces jeunes ne veulent plus voir les vieux fantômes sur le petit écran algérien. Ils disent que ces vieux sont dégoûtants. Leur présence les oblige a pousser le bouton de leurs télécommandes pour changer de canal des que leurs ombres frôlent le petit écran cathodique. Ces vieux fantômes nous font peur et font peur a nos petits enfants. Ils terrorisent le peuple par leurs idées congelées et leurs discours absolus. Ils jouent aux aveugles et ne voient jamais comment la mémoire des temps se perd pour différentes causes. Ils gèrent le conflit de générations comme un mode vie algérienne. Les jeunes fuient en avant.
Rage, désespoir et malheur a la vieillesse carcasse adversaire ! Au pays des miracles, le mensonge est symbole de souplesse pour ne pas dire noblesse. Quelle honte ! Un responsable âgé de plus de 75 ans ment et nous présente la démagogie comme une science moderne. Chez cette personne, mensonge est politique. Une autre plus âgé que lui s’improvise docteur aux lieux saints ! Entre la solidarité et la religion le mensonge fait bien connexion. Hélas ! et mille foi hélas !
les âmes bien nées adossent les murs et les vieux menteurs reviennent au gallot. Plus de tètes bien faites ! Plus de « nez » symbole de fierté ou d’honneur chez les algériens. C’est le monde du magot. L’argent parle a un peuple qui aboie. La haine et vengeance des têtes carrées nous font comprendre que les têtes rondes n’excitent plus en Algérie. C’est le temps des têtes carrées ; ceux qui répètent a longueur de journée : Mon excellence monsieur le président sous les feux des caméras et bruit les ondes sonores ! C’est le temps des flatteurs. C’est le temps du sans mentir si votre ramage se rapporte a votre plumage vous êtes le Phénix de hautes de ces bois. A croire que s’ils partent l’Algérie va couler.

Tout ressemble a rien dans un pays détruit par le sectarisme et le charlatanisme. De rien on a fait un tout. Dans ce tout bien fait la baraka veut « Tou » ne fait rien. Dans le royaume du vieux Roi Dagobert, tout le monde a mis sa culotte a l’envers. Dans ce dit royaume l’improvisation est discours de la méthode ! Le superficiel remplace le profond. Je suis (j’accompagne) est synonyme de je suis (j’existe).
Dans la république de l’absurde la vie des jeunes algériens n’est pas chère. Elle se noie au large des cotes algériennes et s’enterre dans le liquide. Que se passe-t-il dans mon pays ? L’argent vous fait paraître et le liquide vous fait être. Dans le monde de l’être les uns disent que notre ami est de bonne race et même de bonne foi. Il est de ceux qui se souviennent et reviennent. Mais dans le monde du paraître, les autres pensent de lui autrement. Ils pensent que notre ami semble avoir retrouvé une seconde jeunesse. Il est partout, contrôlant tout, donnant des conseils et ordres. Entre ces deux tendances des lâches profitent. Je connais les uns et j’entends parler des autres.
Les malheurs de nôtre pays n’ont d’autres causes que le déclin de la morale sans oublier la montée en flèche de l’ignorance. L’argent a tué la morale et l’ignorance a créé des tartuffes modernes.
L’esprit de paraisse et la mentalité de jouissance dominent l’admiration algérienne. L’avoir et le paraître ont effacé l’être. La classe politique est faite de nouveaux riches qui ignorent toute loi et contrôlent l’administration. La dernière nouvelle parle des arrivistes et des fils de harkis qui s’improvisent patriotes ou révolutionnaires. Les sorcières, les voyantes et les magiciens sont pris
pour des visionnaires et donnent conseils. Résultat : a force de répéter un mensonge il devient vérité. 
Dés 1983, je le disais a mes étudiants « le luxe de façade ne va pas durer longtemps, ça finira mal dans notre pays ». Et quand le malheur est arrivé en 1988, le désordre, la « pagaille » ont fait surface. On ne savait pas s’il fallait pleurer notre passé glorieux ou accepter avec honneur la jouissance de notre mauvaise gouvernance. Les « combines », le gaspillage des deniers publics, le vice des affaires dessinent bien l’état du lieu ou nous vivons. La vieillesse maudit la jeunesse. L’ignorance insulte savoir ! Le silence règne et tout le monde trouve son compte. Le peuple a perdu la façon de raisonner, sans dire la raison. Le bilan final indique : la sommation des raisons individuelles est trop inférieure a la raison collective. L’égoïsme nie la raison universelle.
Bien sur, notre homme de base était jeune autrefois. Je le dis et sans arrière pensée. Les jeunes d’autrefois étaient fiers de leur élégance algérienne. Leurs pères, leurs maîtres et leurs cheikhs ont bien façonné cette élégance. La vie avait un sens autrefois. En Algérie du 21 siècle : A quarante ans on est encore jeune. On cherche un boulot. On cherche un appartement et une femme pour établir un foyer.
Ici gît le malheur de l’Algérie dite moderne.

Dans le vide les paroles s’atténuent mais dans le silence les bonnes paroles se propagent. L’âge du marchand d’illusion va se terminer et le temps va nous démontrer que quand la malice et la fausseté de ces sans-patrie et sans-Savoir sont a leur comble nos enfants se secoueront et chasseront avec force cette calamité a corruption exagérée qui détruit l’âme et la morale. 
 En conclusion : même si les jeunes d’autrefois ne cèdent pas la place aux jeunes d’aujourd’hui, ce phénomène ne va pas durer longtemps.
L’Eternel n’est pas humain. L’Éternel seul est Seigneur. Seul il est dominateur sur les algériens. Une chose est certaine : l’Algérie de demain est n’est pas pour ceux qui étaient jeunes en 1962.

 Dr.Omar CHAALAL