Ecole primaire Cheikh Belhaddad de Seddouk Ouadda

De l’enthousiasme à l’amertume !

 Erigée sur la protubérance d’une colline telle une citadelle inexpugnable, bien aérée et exposée au soleil, l’endroit a été choisi d’ailleurs par l’érudit Cheikh Belhaddad qui a fondé son école coranique en 1850, car c’est d’elle qu’il s’agit, celle-ci accueillant des étudiants venant de partout. Après son arrestation, son incarcération et sa mort en prison, l’administration française l’a confisquée pour la reconvertir en 1905 en école pilote d’enseignement des techniques agricoles. Fermée durant la Guerre d’Algérie, elle est rouverte après l’indépendance comme école primaire portant le nom du chahid Bounzou Zoubir avant qu’elle ne soit baptisée en 1971 lors des festivités célébrant le centenaire des événements de l’insurrection populaire d’avril 1871 comme école primaire cheikh Belhaddad de Seddouk Ouadda. C’est une école centenaire qui a le mérite d’avoir formé nos grandsparents, nos parents, nous-mêmes, nos enfants et nos petits-enfants, et qui a résisté à une guerre, à la force de la nature ou simplement aux effets du temps. En guise de reconnaissance, en avril 2005, des festivités grandioses marquant son centième anniversaire lui ont été organisées. En goguette, elle a retrouvé ses anciens élèves de la génération des années 30 à la plus récente, venus en masse lui rendre un vibrant hommage. Une jubilation délirante se lisait sur les visages :
joie des retrouvailles, accolades et rappel de souvenirs et chacun a le sentiment d’être au milieu de la marmaille d’antan. Quel bonheur à entendre. A voilà le petit untel ! Quelle tendresse dans ces acclamations joviales ! On a presque oublié qu’on est âgé ! A cette occasion un film a été tourné sur place pour immortaliser l’événement et on a profité par la même de la présence de chacun pour créer une association intitulée les «Amis de l’école ». Le directeur de la culture de Béjaïa de l’époque, invité pour la circonstance, a chargé son porte-parole d’informer les organisateurs que le ministère de la Culture a alloué pour cette école une somme de 5 millions de dinars pour la création d’une bibliothèque scolaire. Le comité d’organisation le prenant au mot a immédiatement procédé à l’aménagement de deux anciennes classes les transformant en salles de lecture. Si le mobilier et les équipements ont été réceptionnés à temps, paradoxalement à cela, le manque de suivi du dossier qui moisit sans doute quelque part dans un tiroir, a fait que les livres n’ont pas été réceptionnés à ce jour. La question que le commun des mortels se pose à ce sujet est la suivante : d’abord pourquoi les livres n’ont jamais suivi et ensuite pourquoi donc une bibliothèque sans livres ? ( l’école a perdu il y a quelques mois deux de ses meilleurs élèves des années 40, artisans et acteurs de ces festivités que Dieu ait leur âme. Il s’agit de son premier directeur post-indépendance en l’occurrence Benslimane Belgacem, et de notre cher ami Oulghadi Youcef, auxquels nous rendons un vibrant hommage). Pour celui qui s’y rend aujourd’hui, il constatera amèrement le devenir de cette école qui est depuis en décadence. Elle se trouve dans un état pitoyable de dégradation avancée à tous points de vue. Pour cela, certains enseignants et parents d’élèves chez qui la déception est profonde, devant cette situation alarmante, las de prendre leur mal en patience et ne sachant pas à quel saint se vouer pour que leur établissement retrouve son aura, nous ont fait part de leur vive inquiétude quant au devenir de leur école qui va de mal en pis, selon eux. Sur les lieux, un enseignant, la gorge nouée et révolté par cet état de fait, nous a montré l’état de détérioration des blocs sanitaires qui demandent à être
rafistolés dans les meilleurs délais. Cet enseignant a témoigné aussi des dégâts subis par ce monument scolaire qui a formé des générations de cadres. L’absence d’une clôture favorise, selon lui, la pénétration des chiens errants et les visites nocturnes des voleurs qui ont subtilisé lors de leurs différents vols des denrées alimentaires, des poêles à mazout et d’autres matériels. Il nous montrera par la suite le vaste jardin de l’école livré aux prédateurs de tout bord qui ont fait de lui un lieu de prédilection pour se saouler ou se droguer laissant à la fin de leur besogne sur place des détritus et des bouteilles vides de vin et de bière. Que d’orangers, de grenadiers, d’amandiers, de figuiers, d’oliviers, etc. sont morts par manque d’entretien. « Je me souviens quand j’étais élève, on attendait impatiemment l’arrivée de la campagne des fourrages ou de la cueillette des olives pour participer au ramassage. Cette année, les voleurs d’olives ont agi en plein jour pour accomplir leurs forfaits », témoigna cet enseignant. Les écoliers arrivent par une piste dangereuse, laquelle est pentue, étroite, caillouteuse, boueuse en hiver et saturée de pierres, de tuyaux en galvanisé d’eau potable et d’une conduite d’assainissement d’eaux usées. Plus grave encore, les potaches longent un tronçon dangereux de la RN 74 sur environ 500 mètres et l’absence de dosd’âne qui puissent obliger les chauffeurs circulant à vive allure à réduire la vitesse, fait planer les risques d’accident sur les bouts de chou. Dans ce contexte, les difficultés scolaires de nos enfants sont innombrables dans une école passant de l’enthousiasme à l’amertume où leur réussite ne semble pas être l’objectif premier. Pourtant et logiquement, elle se doit d’être à la hauteur des aspirations des écoliers en construction de leur avenir lointain! Comment alors réussir le pari de l’intelligence dans une école où tous les clignotants sont au rouge ? 

L.BEDDAR