Seddouk : Cheikh Belhaddad, Pari doublement réussi !

Seddouk : Cheikh Belhaddad, Pari doublement réussi !

“ Le comité d’organisation avait pris toutes les dispositions nécessaires pour faire de cette manifestation une rencontre grandiose entre les différentes générations qui ont succédé dans cette école, unique en son genre, de par les étapes historiques traversées”, a souligné un ancien élève.En effet, en plus des invitations individuelles, des affiches comportant le programme des festivités ont été collées dans la ville et les villages pour sensibiliser un grand nombre de personnes. La réponse ne s’est pas faite attendre. Tôt le main, jeunes et vieux, affluaient vers leur école chérie en auto ou à pied, dévalant les pistes sinueuses et rocailleuses menant des villages aux lieux des cérémonies pour marquer de leur présence, ô combien précieuse, des moments de joie inoubliables. La cour de l’école grouillait de monde. Les regards sont rivés vers la route, attendant impatiemment l’arrivée de la délégation. L’imposante délégation conduite par Benamara Mohand, directeur de la culture de Béjaïa, composée de personnalités du monde politique et associatif, constatait en empruntant la route nationale 74, pentue et serpentée, qu’au fur et à mesure de l’ascension, le panorama des régiments d’oliviers au milieu des paysages verdoyants devenait de plus en plus attirant en cette journée ensoleillée d’un printemps qui semble être plus beau cette année, car l’école qui a formé des générations fête doublement son premier centenaire et la commémoration du soulèvement insurrectionnel du 08/04/1871 mené par deux héros de la vallée de la Soummam, cheikh Mohamed Améziane Belhaddad et El Mokrani. En franchissant le col de Tiza avant de s’engouffrer dans le village de Tibouamouchine qui est traversé par cette route comme une arête d’une feuille, distribuant sur les deux bords des ruelles menant vers plusieurs villages et quartiers, apparaissent, d’abord la montagne d’Achtoug avec ses mamelons qui dominent toute la vallée d’Akbou et les villageois de Seddouk, puis le village historique de Seddouk Oufella, collé au flanc de celle-ci, avec ses arbres gigantesques et ombrageux, son eau douce qui jaillit de la terre de cette montagne, attestent du choix de cheikh Belhaddad pour cet endroit paradisiaque, ensuite, un peu plus bas la vieille bâtisse construite sur une protubérance au bord de la route : c’est l’école Cheikh-Belhaddad de Seddouk Ouadda qui caresse le regard par des fanions aux couleurs nationales, ces banderoles blanches portant les slogans de bienvenue et ses façades fraîchement relookées de peinture aux couleurs bigarrées. A l’arrivée de la délégation qui est attendue par le chef de la daïra de Seddouk, du petit-fils de cheikh Belhaddad (Si Ahmed), des membres de l’organisation et d’une foule nombreuse, des youyous et des applaudissements fusent de partout en guise de remerciements aux invités venus honorer de leur présence une fête grandiose et inédite et en particulier au directeur de la culture pour avoir accordé une bibliothèque à l’école dont le mobilier composé de 80 chaises, de 20 tables, de deux armoires, d’un fauteuil pivotant et d’un bureau, est réceptionné la veille. Les festivités qui devraient durer 15 jours ont débuté par une minute de silence observée par l’assistance à la mémoire des chouhada, au moment où des jeunes écoliers levaient les couleurs et entonnaient l’hymne national Kassamane. Après, c’est au tour d’une jeune écolière qui prit le micro pour souhaiter d’une part, la bienvenue à l’assistance très émue et lui rappeler d’autre part, le parcours historique de cette école qu’on ne peut dissocier du combat de Cheikh Belhaddad, car c’est lui qui l’a fondée aux environs des années 1850 comme medersa où était enseigné le Coran, puis séquestrée par le système colonial en 1875 pour la reconvertir en école de langue française en 1905, et devenue après l’indépendance école Bounzou-Zoubir et ensuite Cheikh Belhadad, nom qu’elle garde à ce jour. Ensuite, la délégation a été conviée à visiter trois galeries où sont exposés des objets d’art, des photos de l’école, des villages de Seddouk et de Béjaïa, des manuscrits, livres, des coupures de journaux traitant du parcours historique de Cheikh Belhaddad, ainsi que ses portraits et ceux des héros de la glorieuse révolution de Novembre 1954, et des toiles et gravures réalisées par les élèves. A midi, la délégation s’est ébranlée vers le village Seddouk Oufella pour effectuer le pèlerinage à la zaouia de cheikh Belhaddad. En cours de route, les membres de la délégation se sont arrêtés à un domicile mortuaire où ils ont présenté leurs condoléances aux parents de la défunte et assisté à l’enterrement. Ensuite, ils se sont rendus à Thakhalouith ou un membre d’organisation a prit la parole pour dire : “toute l’importance d’un tel site qui est un lieu de pèlerinage pour des milliers de visiteurs” sans omettre de retracer la vie de cheikh Belhaddad qui naquit en 1790, d’une famille modeste, fonda vers 1850 une medersa, déclencha en dépit de son âge avancé (80 ans) un soulèvement des masses paysannes contre l’oppresseur colonial que menèrent ses deux fils Aziz et M’hand en collaboration avec El Mokrani. Après une année d’une guerre farouche, l’armée coloniale après sa victoire a mené une répression sans égal en déportant les chefs et les guerriers vers une île du Pacifique (Nouvelle-Calédonie), en séquestrant les meilleures terres des riches plaines et terroirs dont la medersa et en infligeant des amendes aux paysans. Au retour, les convives ont été invités à savourer un couscous traditionnel local. Dans l’après-midi, après la remise des prix offerts par la direction de la culture de Béjaïa, à titre posthume aux trois anciens enseignants de l’école décédés (Oulghadi Med Améziane, Naït Ighil Med Ouali et Aït Khelifa Ouali), au doyen de l’établissement (âgé de 88 ans) et à treize meilleurs élèves de l’année scolaire en cours. Ce sont les chorales de Bouzerzour, de l’association Allaoua Zerouki et la troupe de théâtre cheikh Belhaddad qui ont égayé la foule.
Enfin, diverses rencontres sportives ont eu lieu depuis le 03/04 et ne s’arrêteront que jusqu’à la fin de ces festivités.

L.Beddar

in la depeche de Kabylie du 10 avril 2005