Seddouk: La neige des heureux et des malheureux

 Dans la région d’Ath Aïdel, région montagneuse par excellence au relief accidenté ou la plupart si ce n’est la totalité des localités sont juchées sur des collines à des altitudes allant de 400 à plus de 1000 mètres, les villageois se sont réveillés la matinée du jeudi avec émerveillement en constatant le changement de décor ou la végétation verdoyante avait cédé sa place à une épaisse couche blanchâtre induite par la neige qui n’avait cessé de tomber depuis la veille.

Conséquence : le mercure a baissé ostensiblement. Fait imprévu, les magasins pris d’assaut ont épuisé leurs stocks de bottes. Les montagnards n’ont pas oublié la calamité de décembre 2005 où la région a souffert des désastres causés par la poudreuse. “Dieu merci, cette fois-ci la neige n’a pas fait de dommages puisqu’aucun dégât n’a été signalé, hormis l’obstruction au niveau des cols des routes allant sur Imoula ou Beni Maouch et encore grâce à l’intervention des engins. Celles-ci ont été libérées en milieu de journée”, nous a-t-on dit à la Sûreté urbaine de Seddouk. Autres faits marquants : les écoles des hauteurs ont été fermées et les lycéens internes ont été libérés dès mercredi après l’annonce du mauvais temps par les services météorologiques. Parmi les heureux qui ont accueilli favorablement cette neige, laquelle est devenue rare ces dernières années, figurent en premier lieu les moins jeunes qui tôt le matin ont entamé leurs amusements favoris. Des bonhommes de neige naissent comme des champignons alors on y voit partout : sur les terrasses de maisons, dans les jardins, sur les placettes et même sur les trottoirs. La marmaille a trouvé aussi une occasion de jouer et se quereller avec des boulettes de neige faites à la main. On entend de loin des “tienssss!” suivis de “aieeee!” quand la cible est touchée sur les parties sensibles du corps, comme le visage. Ce ne sont pas des pommettes rouges et des yeux au beurre noir qui ont manqué. Certains jeunes aussi ont trouvé une aubaine à s’adonner à la chasse au gibier, notamment le lièvre. “La technique est toute simple, dira Ali. Il suffit de suivre les traces. Elle vous guideront jusqu’au gîte de la proie que ce soit le porc épic ou le lièvre”.
Cette liesse a gagné aussi l’intérieur des foyers Chez les femmes l’ambiance est différente de celle des autres jours. Ce sont les plats rituels comme le couscous aux fèves sèches (avissar), à la viandes sèches (Achedlouh), à côté des crêpes (Thivouaiajines) déjà préparées. La jubilation délirante a atteint aussi les agriculteurs qui ont enfin retrouvé le sourire après des mois d’angoisse due à une insuffisance déconcertante de pluviométrie qui a laissé plané une sécheresse. “Déjà, les prix des fourrages ont pris une envolée sur les marchés et ceux des bêtes connaissent des chutes en cascades”, fera remarquer un jeune agriculteur. Par ailleurs, les paysans éprouvés par les rendements catastrophiques des productions d’olives des deux dernières années voient un salut à travers cette neige en escomptant déjà une bonne production à venir.
“Cette neige est salutaire pour les arbres, particulièrement l’olivier qui sera débarrassé des parasites et irrigué comme il se doit. Pour cela la production d’olives à venir sera incontestablement meilleure”. Dans l’après-midi, les panoramas splendides disparaissaient avec la fonte de la neige qui se fait progressivement en aval et les paysages enchanteurs reprennent le droit que leur confère le printemps, période de l’année ou la végétation est extrême.

La bouteille de gaz introuvable .

Cet hiver brusque demeure néanmoins dur, très dur pour les habitants de Seddouk Ouadda restés sans gaz durant les deux jours de tempête de neige (jeudi et vendredi). Pourtant ce village de plus de 1000 habitants n’est situé qu’à 500 mètres de la RN 74 et à laquelle il est relié par une route goudronnée.

Le seul épicier commercialisant le gaz n’est pas approvisionné depuis dimanche. “Mercredi, en téléphonant au dépôt d’Akbou on m’a rassuré que je suis programmé pour jeudi. J’ai attendu toute la journée l’arrivée du camion d’approvisionnement qui n’est finalement pas passé. Le soir, j’ai appris de l’un d’eux que le camion a bel et bien approvisionné les commerces situés sur la route nationale. La question que je me pose à ce sujet est la suivante : il ramène 210 bouteilles qu’il dispatche sur 6 commerçants en déposant équitablement 35 bouteilles pour chacun, donc la quote-part qui m’était destinée a été donnée à l’un d’eux.
De quel droit a-t-il fait ça, privant tout un village d’une approvisionnement en gaz au moment où la demande a augmenté suite à la baisse de température induite par les chutes de neige”, tempête ce commerçant.
Continuant dans la foulée, il rajouta : “A chaque événement important qui fait augmenter la demande en gaz je suis privé d’un approvisionnement. Durant la fête de l’Aïd El Adha, on m’a joué le même tour en me laissant sans approvisionnement. Il avait fallu que je saisisse leur direction régionale à Béjaïa par un rapport pour que je sois approvisionné, mais après l’Aïd”. L’ironie du sort a fait que les habitants du village Seddouk étaient voués à la bêtise humaine qui ne mesure pas les conséquences bien sûr à errer sous les flocons de neige à la recherche d’une bouteille de gaz.
 
L. Beddar