L’Algérie d’en bas et l’Algérie d’en haut

L’Algérie d’en bas et l’Algérie d’en haut

A moins de garder son journal plié, il est franchement difficile de garder le sourire. Car, chaque jour que Dieu donne, que peut-on y lire ? Attentats terroristes : tant de morts, tant de blessés – Recrudescence de la criminalité et de la délinquance – Démantèlement d’un réseau de trafic d’armes – Un commerçant kidnappé – Scandales financiers en série – Saccage d’un bar – Violentes émeutes ont … – Taux de suicide en hausse. Et d’autres joyeusetés du même genre.

A propos de suicide, il y a moins d’un mois, le jeune Yacine ADJAOUD de Tibouamouchine, âgé de 29 ans s’est donné la mort par pendaison. Toute la région est encore sous le choc. Il était si plein de vie. Paix à son âme.

Fort heureusement pour nos cœurs malmenés et notre morale torturé que le JT de 20H de la planète ENTV est là pour chasser nos angoisses et nous faire voir l’avenir en rose.

C’est que dans l’Algérie d’en haut, complètement déconnectée de celle d’en bas, tout baigne dans l’huile : pas de terrorisme, pas de scandales financiers, pas de chômage, aucun problème sérieux. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

A un détail près, tous les JT de l’unique sont identiques, si bien que seule la date peut vous permettre de discerner celui du 1er janvier de celui du 31 décembre de la même année.

Remarquez que pour les névrosés que nous sommes, à condition bien sûr, de respecter scrupuleusement le traitement annuel qui est de trois fois par jour, il n’y a pas de remède plus efficace pour lutter contre ce terrible mal qu’est le stress national qui n’arrête pas de nous ronger.

Cette année, nous sommes particulièrement gâtés. Jugez-en. Le JT s’ouvre chaque fois, évidement, sur les éternelles réceptions, messages et discours lénifiants du président. Ensuite c’est le ballet incessant de nos ministres débordants d’activité, qui dans un chantier, qui dans une zaouia (nos universités), qui dans une enceinte culturelle, détournée de sa fonction initiale pour les besoins d’un meeting.

Mais la nouveauté, la cerise sur le gâteau, c’est notre ministre de la culture. Madame TOUMI qui me fait penser, toutes proportions gardées, à notre légendaire Na Ourdia Oussiamar animatrice de toutes les fêtes de la région. De concert en exposition, de représentation théâtrale en soirée littéraire, notre ministre est partout portant à bout de bras ALGER CAPITALE DE LA CULTURE ARABE 2007.

Hé oui ! Après L’ANNEE DE L’ALGERIE EN FRANCE pour prouver notre FRANCITE, voilà venue l’heure d’exhiber notre ARABITE.

Le coup d’envoi de cette immense zerda, la plus grande depuis l’indépendance, a été donné le 12 janvier, 1er jour de l’an berbère. Choix judicieux n’est ce pas ?

Car il faut savoir que depuis 45 ans, nos dirigeants éclairés ne ménagent aucun effort ni ne lésinent sur aucun moyen humain, matériel ou financier pour mener à terme une mission unique au monde ; celle de réussir la construction d’un peuple sous-serre avec ses constantes nationales, ses repaires historiques, sa langue officielle et sa religion d’état.

Et nous de l’Algérie d’en bas, ingrats que nous sommes, qui continuons à nous agripper de toutes nos forces comme des naufragés à notre algérianité. Nous devrions en avoir honte.

Enfin, juste pour retrouver le sourire et à propos de scandales financiers, je vous laisse apprécier cette fable de Jean de la Fontaine « le laboureur et ses enfants » que j’ai adaptée juste pour rire durant les années 70. Je me souviens que je l’avais proposée à l’époque au journal EL-MOUDJAHID qui n’a pas jugé utile de la publier.

Le voleur et ses enfants

Chapardez prenez de la graine
ce sont les poches qui manquent le moins.
Un pauvre voleur sentant sa mort prochaine
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoin :
« Gardez-vous, leur dit-il, de négliger l’héritage
Que nous ont laissé nos passants ;
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit
Mais un peu de furetage vous le fera trouver.
Fouillez ! Volez ! Piquez ! Ne laissez nulle place
Où les doigts passent et repassent ».
Le père mort, le fils vous détroussent les gens,
De-ci, de-là, si bien qu’au bout de l’an,
Ils se retrouvent en cage
D’argent point de gagné
Car le père ignorant
Oublia avant sa mort
La corruption d’abord.

Seddouk Oufella, le 15 mars 2007

Mohand BOUZERZOUR